Depuis le 15e siècle, le cannabis est utilisé en tant qu’herbe médicinale. À cette époque, il était utilisé en Égypte, en Chine ou encore en Inde pour soigner des insomnies, des douleurs, des troubles gastro-intestinaux ou comme agent anesthésiant. Si le cannabis peut en rebuter certains, les cannabinoïdes qui les composent ont des vertus qui vous amèneront à regarder cette plante sous un autre angle.
Les cannabinoïdes, qu’est-ce que c’est ?
Ce sont des substances chimiques qui se distinguent en trois familles :
- Les phytocannabinoïdes issus de la plante de cannabis,
- Les endocannabinoïdes présents naturellement dans notre organisme,
- Les cannabinoïdes synthétisés en laboratoire.
Dans cet article, nous nous intéresserons davantage aux phytocannabinoïdes que nous retrouvons dans le chanvre.
Vous avez peut-être déjà entendu parler du tétrahydrocannabinol (THC) qui est connu pour ses effets psychotropes. Autrement dit, cette molécule agit sur l’état du système nerveux central, et cela entraine des troubles de la perception, une sensation d’apaisement, une diminution de la vigilance et des sautes d’humeur. Il est le principal constituant psychoactif du cannabis mais il est essentiel de noter que tous les cannabinoïdes composant le cannabis ne sont pas psychoactifs.
Depuis quelques années, l’intérêt pour les cannabinoïdes dans les cosmétiques est grandissant et plus particulièrement pour un certain phytocannabinoïde : le cannabidiol (CBD). Contrairement à certains cannabinoïdes, le cannabidiol ne possède aucun effet psychotrope, autrement dit il n’a pas d’effet euphorisant ou addictif sur l’organisme. Au contraire, en agissant sur le système endocannabinoïde, le cannabidiol présente de nombreuses propriétés thérapeutiques intéressantes qui le rend peu à peu incontournable dans l’univers des cosmétiques.
Avant même de vous parler des bienfaits du cannabidiol, il est important de vous présenter le système endocannabinoïde. En apprendre davantage sur ce système vous permettra de mieux comprendre l’intérêt des cannabinoïdes pour traiter différentes pathologies.
Le système endocannabinoïde, cible potentiel du cannabidiol ?
En premier lieu, il faut savoir que le système endocannabinoïde est impliqué dans de multiples fonctions telles que l’apprentissage et la mémorisation, la perception de la douleur, la neuroprotection (moyen pharmacologique utilisé pour la protection des neurones) ou encore la réponse immunitaire. Pour fonctionner, ce système fait appel à des molécules et à des récepteurs qui, via un mécanisme de « clé et de serrure », participe à la physiologie de notre corps. Si nous prenons l’exemple de notre peau, nous trouvons des récepteurs du système endocannabinoïde à la surface des cellules cutanées. La fixation des endocannabinoïdes naturellement présents dans notre organisme sur leurs récepteurs va générer des mécanismes tels que la croissance, la différenciation ou la survie d’une cellule, la réponse inflammatoire, ou encore, les phénomènes sensoriels (démangeaisons, picotements). C’est pourquoi, son dérèglement peut être à l’origine de différentes maladies inflammatoires cutanées comme le psoriasis, la dermatite atopique, ou encore l’acné ou être à l’origine du prurit (démangeaison).
Vous comprendrez pourquoi ce système peut être une cible pour le traitement de ces pathologies et pourquoi il fait autant parler de lui.
Les récepteurs impliqués dans le système endocannabinoïde : récepteurs cannabinoïdes et canaux TRP (Transient Receptor Potential)
Parmi ces récepteurs, nous retrouvons les récepteurs cannabinoides qui sont de deux types : CB1 et CB2.
Les CB1 sont principalement localisés dans le cerveau et le système nerveux central, et également dans d’autres tissus comme le cœur, le foie ou les muscles. Via le relargage des neurotransmetteurs (molécules messagères), ils agissent notamment sur la mémoire, l’humeur et la perception de la douleur. Les CB2, eux, sont majoritairement présents au niveau des cellules impliquées dans le système immunitaire et digestif. De plus, vous pouvez retrouver ces deux récepteurs dans le système cutané comme, par exemple, au niveau des kératinocytes (cellules localisées au niveau de l’épiderme, c’est-à-dire la couche superficielle de la peau), des follicules pileux (cavité où un poil prend naissance) ou encore des glandes sébacées (sécrétant le sébum).
Les cannabinoïdes peuvent également se fixer sur d’autres types de récepteurs que nous appelons les canaux TRP. Cette fixation s’accompagne d’effets au niveau de l’organisme et notamment la formation et la régulation de la barrière cutanée, la croissance et la différenciation des cellules et la réponse inflammatoire. Ils jouent un rôle clé dans la régulation de la douleur et des démangeaisons engendrées par le système immunitaire.
La fixation des cannabinoïdes sur les récepteurs a donc des effets bénéfiques sur l’organisme et est devenue une approche thérapeutique d’intérêt dans les pathologies cutanées.
La place du cannabidiol dans les pathologies cutanées
Le cannabidiol un actif contre la dermatite atopique ?
Avant de commencer, il est nécessaire de vous fournir quelques informations sur la dermatite atopique. Aussi appelée l’eczéma atopique, c’est une maladie cutanée chronique provoquant des inflammations et des démangeaisons par poussées. Autrement dit, cette dermatose se manifeste par des phases de crise de démangeaisons intenses, de plaques rouges et d’épaississement de la peau. Entre ces phases, les poussés sont suivies de périodes de rémission nécessitant tout de même une prise en charge car la peau reste très sèche. Cette maladie cutanée multifactorielle, est causée entre autre par : un défaut de la barrière protectrice de la peau, un déséquilibre du microbiote cutané (ensemble des micro-organismes de la peau), une prédisposition génétique, des facteurs environnementaux et un défaut du système immunitaire. Cette pathologie touche principalement les nourrissons et les enfants mais peu parfois persister jusqu’à l’âge adulte.
Actuellement, nous savons que le cannabidiol possède des propriétés anti-inflammatoires importantes. En agissant sur les kératinocytes, le cannabidiol interagit avec les récepteurs CB1 et certains canaux TRP qui vont inhiber la production de protéines inflammatoires impliquées dans la dermatite atopique.
En complément de son action anti-inflammatoire, la fixation du cannabidiol sur les récepteurs CB2 et certains canaux TRP entraine une diminution des démangeaisons retrouvées dans la dermatite atopique. Il est important, cependant, d’effectuer des études complémentaires afin de pouvoir confirmer ces observations. Nous retiendrons donc que l’utilisation du cannabidiol semble donc être une molécule d’intérêt dans la dermatite atopique grâce à ses propriétés apaisantes et anti-inflammatoires.
Le cannabidiol un actif contre l’acné ?
L’acné est une maladie cutanée caractérisée par un épaississement de la peau, un défaut qualitatif et quantitatif de sébum, la présence de la bactérie Cutibacterium acnes et enfin une inflammation. Cette pathologie peut être la conséquence d’un déséquilibre hormonal, du microbiote intestinal et également de l’exposition à des facteurs environnementaux. Cela affecte principalement les adolescents mais pas seulement. L’acné peut également concerner les jeunes enfants et les adultes.
Pour cette problématique, le cannabidiol est très intéressant car en complément de ses propriétés anti-inflammatoires évoquées précédemment, il possède des propriétés sébostatiques. En d’autres termes, il permet de réguler la sécrétion de sébum. Pour ce faire, le cannabidiol en se fixant sur certains récepteurs TRP précédemment cités, induit une diminution de la production de sébum et réduit la réponse inflammatoire. De plus, le cannabidiol a une action antioxydante via la neutralisation des radicaux libres générés au cours de l’inflammation. Finalement, l’association anti-inflammatoire, sébostatique et antioxydante fait du cannabidiol un allier pour les peaux acnéiques.
Une nouvelle perspective : le psoriasis
Pour débuter, quelques informations sur le psoriasis. Cette pathologie inflammatoire chronique se manifeste par un renouvellement accéléré et anormal des cellules de l’épiderme qui vont créer des plaques de cellules mortes, généralement localisées au niveau du cuir chevelu, des coudes ou des genoux.
Des études récentes se sont intéressées à l’intérêt du cannabidiol dans le psoriasis et ont mis en évidence des effets bénéfiques sur les démangeaisons et l’épaisseur des plaques. Toutefois, les mécanismes impliqués ne sont pas encore compris aujourd’hui.
Ce ne sont là que quelques-unes des propriétés étudiées à ce jour. Comme nous venons de le voir, les cannabinoïdes semblent avoir du potentiel pour différentes pathologies. D’autres troubles cutanés que ceux évoqués dans cet article seront sûrement amenés à être étudiés à l’avenir. Il n’a donc pas fini de nous fasciner !
Et au niveau de la réglementation ?
Comme vous avez pu le constater tout au long de cet article, il existe encore de nombreuses zones d’ombres concernant le cannabidiol et les cannabinoïdes en général.
La réglementation cosmétique des cannabinoïdes fait l’objet de nombreuses discussions au niveau des autorités. Ces difficultés sont dues au fait qu’ils sont issus d’une plante contenant des substances psychotropes.
Des cannabinoïdes bientôt chez vous ?
Comme vous avez pu le découvrir au fil de cet article, les cannabinoïdes ont un potentiel conséquent pour traiter de nombreuses pathologies. Nous nous sommes intéressés, ici, qu’à leurs effets dans le domaine de la dermatologie, mais ils possèdent de nombreuses autres vertus potentielles pour diverses applications médicales comme, par exemple, pour lutter contre les nausées induites par les chimiothérapies.
Nous l’avons vu, le cannabidiol semble être un actif de choix dans la composition des cosmétiques. Cependant, tous les mystères autour de ce phytocannabinoïde n’ont pas encore été élucidés, notamment au sujet de sa réglementation dans le monde. C’est pour cela que de nombreuses études sont toujours en cours.
En parallèle, d’autres phytocannabinoides pourraient être mis en lumière pour leur potentiel thérapeutique. Par exemple, le cannabigérol ou CBG possèderait des propriétés similaires au CBD le rendant intéressant à étudier.
Vous l’aurez compris, vous n’avez pas fini d’entendre parler des cannabinoïdes.